Vous ĂȘtes accueillis par une odeur tenace de pieds et par MattĂ©o, hĂ©tĂ©ro dĂ©construit (ça se voit au vernis sur lâongle de son annulaire gauche), qui vous tutoie direct et essaie de vous vendre de maniĂšre agressivement sympa une carte 20 entrĂ©es pour 683 euros seulement («enfin moi ça change rien pour moi mais rĂ©flĂ©chis bien, câest juste que câest VACHEMENT PLUS AVANTAGEUX»). Eglantine soupĂšse les gourdes dans le corner qui vend du Patagonia Ă lâentrĂ©e et une poignĂ©e de community managers font du co-tĂ©lĂ©travailling sur des grandes tables conviviales en bois en sirotant kombucha ou biĂšres craft selon qui est en plein mois dry. Bienvenue en enfer, autrement dit Ă la salle dâescalade. Episode prĂ©cĂ©dent Jâai dĂ©testĂ© pour vous : le concert des hologrammes dâAbba Musique 28 juil. 2024abonnĂ©s
Cet endroit malĂ©fique a fait une entrĂ©e fracassante dans ma vie il y a quelques annĂ©es, au moment maudit oĂč tous mes amis ont dĂ©cidĂ© en mĂȘme temps que lâescalade indoor Ă©tait leur nouvelle passion. Pour ĂȘtre tout Ă fait honnĂȘte (cet article Ă©tant 100 % garanti sans malhonnĂȘtetĂ© intellectuelle), jâai tout dâabord Ă©tĂ© conquise par leur enthousiasme, et je me suis imaginĂ©e moi aussi devenir une reine de la voie, traĂźner le samedi dans des vieux hangars rĂ©affectĂ©s par des hipsters, les mains pleines de magnĂ©sie et les cuisses pleines de bleus. Il Ă©tait certain que je ne tarderais pas Ă dĂ©couvrir Ă quel point jâĂ©tais douĂ©e. Groupes bruyants
Sauf que les choses ne se sont pas passĂ©es comme ça. A la place, jâai dĂ©couvert que le vertige contre lequel je pensais savoir lutter revenait au centuple une fois sur la paroi. Que mon corps Ă©tait lourd Ă porter, que mon gainage Ă©tait nul et que ma capacitĂ© de lecture dâune voie Ă©tait proche de zĂ©ro. Mais tout ceci aurait pu ĂȘtre supportable, ou du moins surmontable, si je nâavais pas par la mĂȘme occasion mis le doigt sur ce qui me dĂ©rangeait le plus dans ces lieux dĂ©testables : la place Ă©crasante quây prennent les hommes.
Souvent torse nu, en groupes bruyants, ils semblent rĂ©gner sans partage sur les lieux, ne ratant aucune occasion pour se montrer, collant aux basques des filles seules avec tout un tas de conseils non sollicitĂ©s en les dragouillant au passage. Tout cela mâa vite convaincue que lâescalade indoor, loin de la philosophie originelle dâun sport de patience et de balance pratiquĂ© au plus prĂšs de la nature, est devenue un nouveau crossfit. Individualisme, mise en concurrence et dĂ©passement de soi, avec en prime la promesse dâun corps fuselĂ©. Bref, un sport de droite.
Dâaspirante grimpeuse, me voici devenue activement rageuse. Et un appel Ă tĂ©moignage me montre vite que ma dĂ©testation du bloc nâest pas totalement arbitraire, et que pour pas mal de meufs, lâambiance macho a eu raison de la vocation initiale. «Lâimpression que tu es sur leur territoire», explique Sophie, et de se «sentir observĂ©e», ajoute CĂ©cile. Elles sont nombreuses Ă raconter le mansplaining de la part de grimpeurs systĂ©matiquement persuadĂ©s dâĂȘtre meilleurs. «Câest cette arrogance qui me rend folle, ce regard de supĂ©riorité», dit HĂ©lĂšne, qui raconte que la plupart des conseils quâelle reçoit viennent de personnes dâun niveau infĂ©rieur. «Lâimpression dâĂȘtre un rĂŽti»
Au point que certaines se dĂ©couragent de grimper seules. Pauline, qui pratique depuis deux ans et a un bon niveau, a carrĂ©ment dĂ» changer de salle pour Ă©viter de recroiser un mec qui ne la lĂąchait pas. Seule, elle a «lâimpression dâĂȘtre un rĂŽti» : «Je suis vue comme une proie facile Ă accoster, câest casse-couilles parce que je veux juste faire du sport.»
Alors les gars, on prend la salle dâescalade pour un site de rencontres ? Il existe dâailleurs sur les applis une situation miroir : lâescalade est devenue un prĂ©texte pour convaincre ton plan cul potentiel de swiper Ă droite, avec des phrases dâaccroche aussi fines que «toujours Ă la recherche dâune pote dâescalade pour grimper au mur et pourquoi pas aux rideaux» ou «si tu veux tâenvoyer en lâair, je peux tâapprendre Ă escalader». Tout cela ne fait que confirmer mon intuition : la salle dâescalade est le royaume du dernier mascu beauf Ă la mode, câest-Ă -dire celui qui fait semblant de nâĂȘtre ni mascu ni beauf.
A ce stade, assise avec mon jus de gingembre dans une salle parisienne, alors que je mâapprĂȘte Ă lĂącher mon fiel, je suis pourtant prise du remords de la «hateuse». Ai-je jugĂ© trop vite ? Nous sommes un mardi matin, et Ă cette heure-ci, la salle semble surtout frĂ©quentĂ©e par des meufs, qui grimpent tranquillement, encouragĂ©es par leurs copines. Vu comme ça, ça nâa pas lâair si terrible. Peut-ĂȘtre suis-je finalement en train de me ramollir⊠Et puis une forte odeur de pieds me prend au nez.
Je suis au courant du meme de r/france concernant lâescalade (qui nâest quâun meme, il nây a aucune rĂ©alitĂ© dans le fait de faire des rencontres dans une salle dâescalade, ce qui est Ă©vident quand on sait que câest un sport individuelâŠ).
Mais câest article est un concentrĂ© de mauvaise foi mĂ©prisante. Lâautrice a vu que câĂ©tait un sport Ă peu prĂšs parfaitement mixte, et comme 50% dâhommes câest toujours trop pour les misandres, elle a dĂ©cidĂ© de faire une Ă©criture dâinvention sur son expĂ©rience en insultant tout le sport au passage (spoiler : les relous en salle dâescalade accostent tout le monde pour donner des conseils non-sollicitĂ©s, pas seulement les femmes).
Faut pas le prendre personnellement, effectivement il sâagit dâun article dĂ©fouloir qui reprend les codes du journalisme gonzo, avec de la subjectivitĂ© assumĂ©e qui se veut lorgner vers lâhumour. Le fait que tu ne comprennes pas ce ton semble crĂ©er un quiproquo. Dâautant plus que lâarticle se termine sur de lâautodĂ©rision (façonet si câĂ©tait moi la reloue).